Page:Hennique - Pœuf, 1899.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
PŒUF.

— La messe est finie ; allons-nous-en, me dit soudain ma mère.

— Déjà ?

Je regardai : quatre soldats venaient en effet d’empoigner le cercueil de Barrateau.

Nous quittâmes l’église et nous dirigeâmes vers notre maison, sous un soleil écrasant.

La rue, le ciel clair, la disparité des milieux, l’aspect de cases difformes, les regards brefs que je ne cessais de jeter derrière moi sur le cortège de l’adjudant, commencèrent bien, durant quelques minutes, par me débarrasser de la question, de l’obsédante question dont j’étais pénétré ; mais, à la hauteur du Champ-d’Arbaud, quand, de loin, je distinguai le seuil où tant de jours j’avais vu Pœuf, mon brave Pœuf, au repos, elle m’entreprit avec une vigueur nouvelle. « Il eût été cependant si facile à ma mère de me sortir de peine ! » Une envie de pleurnicher me tarabusta. « Voyons, fallait-il mentir, brûler mes vaisseaux, et, à bout d’expédients, là, de suite, histoire d’intimider et peut-être d’arracher un mot significatif, jurer que je savais pourquoi Pœuf avait tué Barrateau ? — ou simplement continuer de me taire, jusqu’à ce qu’un hasard me donnât satisfaction ? » Je me le demandai ; puis, tout heureux d’une idée subite, aussitôt rasséréné, je résolus de me tirer d’affaire en m’adressant aux soldats qui,