Page:Henri Béraud - Le Martyre de l'obèse, 1922.djvu/148

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prétends point que l’amour nous est interdit. Il arrive aux gros comme aux maigres d’être aimés pour eux-mêmes. Mais toujours à la longue, après expérience ; on nous essaie avant de nous adopter, c’est bien la moindre des choses ! À qui, je vous le demande, le sort refuse-t-il cette humble félicité ?

Mais, voyez-vous, ce qui nous irrite et devient, avec les années, déchirant, c’est de passer son adolescence, puis sa jeunesse, puis son bel âge, puis la quarantaine, sans jamais connaître la griserie d’une bonne fortune, d’une vraie, de celles que vous met au cœur la joie d’être le préféré ! La plupart des hommes ont, au moins une fois dans leur vie, murmuré, en quittant l’alcôve d’une maîtresse : « Je la voulais et, au premier coup d’œil, elle était à moi. » Hélas ! les donzelles les plus faciles sourient vertueusement aux œillades de l’obèse. Jamais il n’éprouve, lui, cette magnificence et cet enivrement qui redresse la taille des