Comme la plupart de mes semblables, les hommes de poids, je possède une sorte de sensibilité à retardement. Mes émotions n’acquièrent qu’après un temps assez long leur force véritable. Cela nous fait prendre bien souvent, nous autres, pour des natures placides ; et nos émois, qui viennent lorsqu’on ne les attend plus, font dire aux gens que les gros hommes sont d’ordinaire fantasques, versatiles et même indifférents aux vicissitudes d’autrui.
Bref, je commençais seulement à bien comprendre ce qui m’arrivait. Je vous prie de croire que mes réflexions étaient exemptes de toute vanité. Ce que la femme aimée pensait de mes avantages, je le savais de reste. Quant à ce qui pouvait survenir d’heureux pour moi, la raison ne me donnait point à choisir entre les hypothèses : il s’agissait d’un caprice. À tout prendre, je ne pouvais espérer mieux.
Le tout était de savoir ce qu’une nuit conseillère