Page:Henri Béraud - Le Martyre de l'obèse, 1922.djvu/91

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beurre fondu charrient la triomphale senteur de la dinde truffée. Et nos odorats avertis en distinguent bientôt d’autres, plus légères et plus subtiles, celles de petites choses mijotées à point, celle, onctueuse et piquante, des truites à la meunière arrosées d’un filet de citron, celle des garbures gratinées, qui est le parfum même de l’honnêteté, celle de l’aloyau à la Godard, douce à l’estomac comme un voile de mousseline, celle des culs d’artichauts farcis, qui réveillerait Sancho Pança dans sa tombe, et enfin le fumet dominateur et opulent de la dinde de Crémieux, lequel précède l’entrée de ce beau volatile, tout verni de son propre jus, et porté à bout de bras par le patron lui-même, suivi de l’office au grand complet !

C’est le moment ou sur la table apparaissent les files de bouteilles de bourgogne semblables à des processions de pèlerins, et toutes couvertes de la sainte bure des caves. C’est un beau mo-