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LE VITRIOL-DE-LUNE

cière, où son père, Cornillon le boulanger, jouait aux cartes avec ses voisins.

Ils entouraient une longue table près de la fenêtre derrière les bancs. Le cabaretier et quelques désœuvrés se tenaient debout. Tous fumaient de longues pipes en terre de Montalieu ; les troubles rubans de la fumée s’effilochaient dans l’ombre humide et le parfum du tabac réchauffait les aigres relents du vin.

— Viens, padre, dit l’enfant.

Le boulanger leva la tête, et, d’un ton fâché :

— Ne t’ai-je pas cent fois dit que je ne veux plus entendre ce maudit patois ? Padre, padre, padre ! On dit : viens, père ! Tu ne seras donc jamais un vrai Lyonnais comme tout le monde ?

Cornillon soupira :

— Mes amis, je ne suis pas fâché d’avoir épousé ma femme. Pourtant j’ai peine à voir que le mal du pays la tient. Oh ! pas devant son mari, mais non ! Que je traverse seulement la rue, voilà le baragouin qui recommence ! C’est son frère qui