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LE VITRIOL-DE-LUNE

les plus aiguës, et plaintif jusqu’à mettre des larmes aux yeux des gens, lorsque, dans le registre grave, le musicien modulait les chacones de son pays.

Les passants attardés qui, la nuit, se hâtaient le long des échoppes, s’arrêtaient sur le seuil de la boulangerie. Giambattista, à demi-nu, jouait de l’instrument devant la bouche embrasée du four. Le cristal reflétait des lueurs d’incendie ; le torse rouge et les bras musclés du flûtiste se détachaient comme une vision d’enfer, et l’étrange musique gagnait la ruelle obscure, comme portée par l’odeur du bois qui brûlait en crépitant.

Le petit Blaise écoutait sans bouger, assis près de son oncle, au pied du pétrin, sur une pile de sacs vides. Il aimait Giambattista surtout parce qu’il racontait des histoires qui ne ressemblaient pas aux autres histoires. Blaise, déjà, savait par cœur ces récits où passaient des matelots, des routiers, des gentilhommes en carrosse et des capucins qui se battaient à coups de couteau. C’étaient des contes mystérieux et effrayants. Mais