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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/115

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

soit d’échassier, soit de poisson mort dans ses monologues intérieurs. Par-dessus tout, c’était sa bouche qui la révoltait. Quand elle voyait approcher d’elle cette gluante fissure d’où sortait un souffle un peu rance, il lui fallait se contracter et fermer les yeux pour ne pas brusquement détourner la tête. Le baiser la fouillait avec minutie. Elle pensait alors : « Quelle horreur ! » D’autres fois, déchaînée comme une romantique et déjà meurtrissant le muscle indiscret, elle éprouvait la tentation de trancher cette langue qu’elle sentait si molle sous ses dents. Ses doigts portaient, à certains jours, une violence rageuse dans les artifices du plaisir. Michel tremblait, demandait grâce, et elle s’acharnait.

Lorsqu’au mois d’août il la quitta pour rallier Marseille, bien qu’impatiente de retrouver son indépendance et à peine maîtresse de sa joie, elle se surprit à regretter presque avec colère qu’il n’eût rien pénétré de ses sentiments. « C’est un butor ! » se disait-elle, dans l’automobile, en le conduisant à la gare. Elle songea : « Je devrais l’éclairer d’un mot. » Cependant, sur le quai, elle fut délicieuse. Deux jours plus tard, elle-même partait pour l’Amirauté.

Un peu de gêne, due à la vie que, ces derniers temps, elle avait menée avec Marc, l’avait conduite à renoncer par économie au séjour habituel sur une plage bretonne. Aussi bien, cette année, n’y tenait-elle guère. C’était surtout de solitude qu’elle avait besoin. Des sorties trop fréquentes