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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/198

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

désir las peut, chez un jeune être, à la faveur d’une continence trop longtemps gardée, brièvement au moins, reverdir. Et si Marc en était à cette phase critique ? Si, par la suite, à chaque période de ressaisissement, devait, ainsi qu’une chute de grêle au soleil de mars, succéder un retour aussi désastreux ? Cette perspective, dont s’emplissait sa vue intérieure sans qu’elle sût même si, du premier jusqu’aux arrière-plans, elle était en rien justifiée, l’accablait d’épouvante et la révoltait. Brusquement, elle sentit du découragement. L’esprit venait de rompre en elle un fil d’énergie que n’avait pu briser encore la réalité. Mesurés à la tâche qu’elle imaginait, tous les efforts qu’elle pouvait faire lui paraissaient vains. Le seul parti réellement digne, elle s’en rendait compte, aurait été d’abandonner une lutte inégale et d’imiter la soumission de myriades de mères aux débordements de leurs fils. Mais quelque chose d’autrement fort, d’autrement actif, d’autrement capiteux que le raisonnement protestait en elle-même contre cette conduite. Elle avait beau la trouver sage et s’y exciter, elle ne pouvait pas s’y résoudre.

Son abattement s’était accru jusqu’au désespoir lorsque Marc rentra, vers cinq heures. Pour s’en cacher, elle affecta de se montrer dure. C’était chez elle une habitude vieille comme son orgueil que de couvrir les défaillances qui s’y produisaient d’une humeur altière et cassante. Marc était sombre, il parla peu, mangea légèrement et se plaignit d’un