Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
229
LE SUPPLICE DE PHÈDRE

ces notes graves mêlées de fraîcheur qui rendent vivantes et pathétiques nos vieilles émotions. Sans choix, sans ordre, au gré des chances, n’en perdant pas une, elle livrait ainsi toutes les siennes : ses sympathies, ses répulsions, ses plaisirs, ses rêves, et tels débris de souvenirs secrètement gardés, dont beaucoup la frappaient comme des découvertes.

Ce fut un soir qu’elle fut saisie d’un désir atroce. Marc était auprès d’elle sur le grand sofa. Par un caprice de leurs postures, leurs jambes se touchaient, et tout en eux favorisait presque au même degré cette intimité d’attitude. Jamais encore, depuis qu’armée d’une brûlante patience elle s’était consacrée à son soulagement, Hélène n’avait senti si proche l’âme de son beau-fils. Un bouillonnement d’hésitation semblait y frémir. Elle allait verser dans la sienne. On aurait dit qu’entre les deux, pour les séparer, il n’existait plus qu’une membrane. Folle de joie, sûre de vaincre, elle s’y attaquait. Tous ses efforts se concentrèrent sans pouvoir la rompre. En même temps lui venait l’impression très nette que, pour finir par triompher de ce frêle obstacle, elle manquait du moyen qu’il aurait fallu. Singulière défense ! Qu’inventer ? Les yeux de Marc étaient empreints d’une riante chaleur, mais leur clarté ne rayonnait qu’à travers un voile, comme celle d’une eau que couvre encore la brume du matin. Subitement, une secousse, et la certitude : « Ce qui m’intrigue s’évanouirait en moins d’une seconde si je le baisais sur la bouche ! » La rougeur de la honte envahit Hélène. Elle se leva, comme sous l’action