Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cheroit en ma garderobe qu’un seul valet de chambre pour me servir. Et mesmes me levant le matin, pour me trouver à vostre lever, comme j’avois accoustumé, choquant à la porte, vous me fistes respondre que vous estiez chez le Roy. Toutesfois vous parliez à la Chastre[1] et à quelques aultres, des noms desquels il ne me souvient, qui avoient esté des principaulx executeurs de la Sainct-Barthelemy, et du tout serviteurs de monsieur de Guise. Qui me fit croire que vous desiriez plus vous servir de ceste maison que de ceulx qui ont eu cest honneur de vous estre plus proches et plus fideles serviteurs. Le lendemain, ne me voulant de rien rebuter de ce que je sçavois neantmoings venir de vous, je retourne encores pour vous trouver en vostre chambre, de laquelle vous estiez sortie pour aller chez le Roy. Pensant y entrer, vous commandastes qu’on me dist que le Roy dormoit, encores que passant par la salle plusieurs gentilshommes, mesmes de ceulx de mon gouvernement, y eussent veu entrer cinq ou six du conseil. Sçachant cela, je choque à la porte. Lors vous me fistes dire que le Roy ne vouloit pas que j’y entrasse ; qui me fut une grand honte, mesmes en la presence de tous les gentilshommes qui le virent. Cela estoit suffisant de me mettre en extreme peine, n’ayant jamais rien sceu qui importast à vostre service, que je n’en eusse adverty le roy de Poloigne, comme il vous a tesmoigné de la Rochelle et de Vitry. Et vous, Madame, estant à Reims, ayant ouï parler de quelque requeste qu’on vouloit presenter à Voz Majestez, je ne faillis incontinent à le vous dire. Cela ne meritoit pas de vous faire concevoir une desfiance de moy, mais au contraire vous convioit à vous y fier.

Or voïant que mes ennemis avoient telle part aupres de Voz Majestez, que pour nul de mes effects vous ne pouviez perdre la desfiance qu’à grand tort vous aviez prinse de moy, je creu certainement que les bruicts qu’on faisoit courir, qu’on nous vouloit mal-faire, estoient ve-

  1. Claude de la Chastre, seigneur de la Maisonfort, fils de Claude de la Chastre, célébré dans les sonnets de Passerat, et d’Anne Robertet, né en 1536, chevalier des ordres du roi, gouverneur de Berry et d’Orléans, fut fait maréchal de France en 1594, et mourut le 18 décembre 1614. Il était favori de Catherine de Médicis.