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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Là, à la faveur des stores baissés, l’entretien devient plus vif et moins vertueux. On laisse à votre main beaucoup de privautés, mais ce n’est point encore le moment où il vous sera permis d’abuser de votre pouvoir. Ce qu’on en fait est uniquement pour enflammer vos désirs, et vous rendre plus indifférent au quart d’heure tant redouté de Rabelais ; comme un marchand prodigue à l’étalage ses plus riches étoffes, ses plus brillants joyaux, mais n’en permet le toucher qu’aux gens dont il est sûr, ainsi la lorette offre à vos regards les beautés sur lesquelles elle compte le plus, un pied mignon, une gorge arrondie, un bras potelé, quelquefois plus encore, mais les faveurs réelles sont conservées soigneusement pour l’acheteur assuré. Nous n’entrerons pas dans tous les détails du mouvement et de la résistance ; le premier, toujours en raison directe de la seconde, remporte le plus souvent une victoire complète. Vous arrivez ; le temple, où repose la déesse, vous est ouvert ; vous pénétrez jusqu’au sanctuaire, et le sacrifice s’accomplit sur l’autel.

Ô jeune homme qui te crois vainqueur, c’est surtout de toi que l’on peut dire : Il a su vaincre et ne sait profiter de son triomphe. La femme, habile jusqu’à la fin, trouve seule des trésors dans sa défaite. Quoi que tu sois, et quelque résolution que tu aies prise, quelque serment que tu aies fait, la sirène t’éblouira par tant de visions, t’obscurcira les yeux et l’entendement par tant d’enchantement, que, fasciné, perdu, sans force, sans vouloir, esclave obéissant et docile, tu prendras l’or pour l’argent, le plaisir pour l’amour, le présent pour l’éternité, et le lendemain l’aurore te retrouvera dans la rue abruti, stupéfait, tenant dans tes mains un porte-monnaie vide, et chancelant sur tes jambes affaiblies par la fièvre des voluptés.

Et ne te plains pas, si tu es homme, et ne vous plaignez