Page:Henri Maret Le tour du monde parisien 1862.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

149
LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

que la sublime ressource de disposer les plis de nos vêtements et de tomber avec grâce, lorsque, en portant la main à ma poche, je sentis que la Providence ne m’avait pas entièrement abandonné.

Le courage commença à circuler dans mes veines, et le sang colora mes joues.

Ma main s’était heurtée contre la crosse d’un pistolet.

« Un pistolet, direz-vous ; mais que me contiez-vous donc tout à l’heure ? »

Silence, cher lecteur ! et vous, messieurs les sergents, écoutez-moi de grâce. Ce pistolet n’était point une arme prohibée ; mais de tous les outils, le plus inoffensif et le plus débonnaire.

D’abord il n’était point chargé et ne pouvait l’être.

Puis, par le moyen d’un coup sec, appliqué sur la culasse, on coupait à moitié l’ustensile de mort, qui s’entrouvrait subitement, laissant apparaître aux yeux étonnés, entre deux compartiments de bois, nonchalamment appuyée sur sa tête…, une large pipe d’écume de mer, non de Kümmer, quoi qu’en dise notre cher Karr.

Vous voyez que tout cela n’était pas bien redoutable.

Mais les assassins sont lâches, puis la nuit était sombre, et les mauvaises lampes du lieu ne projetaient qu’une débile clarté.

Et quand mon pistolet était fermé, il ressemblait, à s’y méprendre, à un réel et vénérable pistolet avec son canon de fer, sa crosse sculptée, son mécanisme Devisme, et cette menaçante gueule ouverte, dont l’effet est si puissant sur le spectateur le plus aguerri.

Parfois il me faisait peur à moi-même. Je le tirai négligemment, et, négligemment aussi, je le déposai à deux doigts de mon assiette entre le pain et la fourchette.