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II

le voyageur de commerce


Un seul voyageur, avant moi, s’était hasardé au sommet de la voiture, et avait pris place sur la première banquette, derrière le cocher. C’était un bonhomme de quarante à quarante-cinq ans, jouissant de qualités physiques qui annoncent d’ordinaire le commerçant enrichi : la majesté dans l’amplitude et le luxe dans la vulgarité. Excessivement laid, les lèvres épaisses et béatement ouvertes sous un rire uniforme, cet homme portait empreints sur son front fuyant, en ses yeux confits dans la graisse, et le long de ses joues bourgeonnées, les souvenirs du comptoir, des clients et des affaires. À voir la suffisance de son attitude, la régularité de sa coiffure et la grâce toute particulière avec laquelle ses mains jointes enroulaient l’un autour de l’autre deux pouces qu’on eût pris pour des bras d’enfant, il était évident que quelque maison de mercerie bien achalandée attendait au passage mon compagnon d’impériale. Son paletot, d’un jaune inconnu, sentait la cannelle ; un gilet de velours serrait son vaste abdomen, et sur le gilet étincelait une chaîne d’or massif d’une valeur incontestable et d’un goût plus que douteux. Une riche épingle tranchait sur le noir de sa cravate,