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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

va-t-on bâtir dans cet espace ? Y bâtira-t-on quelque chose ? Les uns disaient : l’Opéra ; comme si l’on bâtissait des théâtres au dix-neuvième siècle ! Les autres parlaient d’une caserne.

Ce pauvre hôtel d’Osmond ! que n’a-t-il pas été ? Tour à tour demeure princière, hôtel, restaurant, café, concert, il avait résisté à tous les fléaux. La danse l’a tué. Du jour où Musard fils institua son bal, l’hôtel d’Osmond agonisa. Il mourut au milieu d’un quadrille, lui dont les symphonies en et les concerti en sol avaient épargné la santé. Il ne fit que décroître dès la première rédowa, une nuit il rendit l’âme, et le lendemain des ouvriers traînaient son cadavre à travers les boulevards.

Comme il répandait la vie autour de ses murs, du temps où ses concerts avaient vogue au quartier Bréda ! Quelle foule le soir dans cette rue basse, si étrangement laissée auprès du boulevard, et dont on pense à faire un égout : quelques personnes pénétraient bien dans les salons ; mais c’était le petit nombre ; comme on dit des baraques à parade, la véritable comédie se jouait à la porte. Et quelle comédie ! Toujours la même, cette comédie éternelle par l’intérêt et qui pourrait s’appeler les Débats de l’amour. Là était le centre où se traitaient les affaires de plaisir, comme quelques pas plus loin, devant Tortoni, on discutait les questions d’argent. Le coulissier, l’être, quoi qu’on en dise, le plus luxurieux de la terre, n’avait qu’à s’écarter un instant de sa promenade quotidienne, pour rencontrer à ses pieds les plus séduisantes houris qu’ait conçues, dans ses heures de joie, le sein toujours fécond de la vieille capitale. Il s’arrêtait devant elles, car elles s’arrêtaient devant lui, le regard des femmes étant des plus habiles à discerner sous les vêtements informes le double-fond qui cache les sacs d’or ; alors il se