Page:Henri Poincaré - Calcul des probabilités, 1912.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

6 INTRODUCTION. semble dû à l'intervention du hasard. Ici encore nous retrou- vons le même contraste entre une cause minime, inappré- ciable pour l'observateur, et des effets considérables, qui sont quelquefois d'épouvantables désastres. Passons à un autre exemple, la distribution des petites planètes sur le zodiaque. Leurs longitudes initiales ont pu être quelconques; mais leurs moyens mouvements étaient différents et elles circulent depuis si longtemps qu'on peut dire qu'actuellement, elles sont distribuées au hasard le long du zodiaque. De très petites différences initiales entre leurs distances au Soleil, ou ce qui revient au même entre leurs mouvements moyens, ont fini par donner d'énormes différences entre leurs longitudes actuelles; un excès d'un millième de seconde dans le moyen mouvement diurne donnera, en effet, une seconde en trois ans, un degré en dix mille ans, une circonférence entière en trois ou quatre millions d'années, et qu'est-ce que cela auprès du temps qui s'est écoulé depuis que les petites planètes se sont déta- chées de la nébuleuse de Laplace? Voici donc une fois de plus une petite cause et un grand effet; ou mieux de petites différences dans la cause et de grandes différences dans l'effet. Le jeu de la roulette nous éloigne moins qu'il ne semble de l'exemple précédent. Supposons une aiguille qu'on peut faire tourner autour d'un pivot, sur un cadran divisé en ioo secteurs alternativement rouges et noirs. Si elle s'arrête sur un secteur rouge, la partie est gagnée, sinon, elle est perdue. Tout dépend évidemment de l'impulsion initiale que nous donnons à l'aiguille. L'aiguille fera, je suppose, 10 ou 2o fois le tour, mais elle s'arrêtera plus ou moins vite, suivant que j'aurai poussé plus ou moins fort. Seulement, il suffit que l'impulsion varie d'un millième, ou d'un deux-mil-