Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/114

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appels à l'intuition. Il y a donc bien une intuition des continus à plus de trois dimensions et si elle exige une attention plus soutenue que l'intuition géométrique ordinaire, c'est sans doute une affaire d'habitude, et aussi l'effet de la complication rapidement croissante des propriétés des continus quand augmente le nombre des dimensions. Ne voyons-nous pas dans les Lycées des élèves qui sont forts en géométrie plane et qui « ne voient pas dans l'espace » ? Ce, n'est pas que l'intuition de l'espace à trois dimensions leur fasse défaut, mais ils n'ont pas l'habitude de s'en servir et il leur faut pour cela un effort. Et d'ailleurs, pour nous représenter une figure dans l'espace, ne nous arrive-t-il pas à tous de nous représenter successivement les diverses perspectives possibles de cette figure ?

Je conclurai que nous avons tous en nous l'intuition du continu d'un nombre quelconque de dimensions, parce que nous avons la faculté de construire un continu physique et mathématique ; que cette faculté préexiste en nous à toute expérience parce que sans elle, l'expérience proprement dite serait impossible et se réduirait à des sensations brutes, impropres à toute organisation, que cette intuition n'est que la conscience que nous avons de cette faculté. Cependant cette faculté pourrait s'exercer dans des sens divers ;