Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/176

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des idéalistes, les Cantoriens sont des réalistes.

Il y a une chose qui nous confirmera dans cette manière de voir. Nous voyons que les Cantoriens (qu'on me passe ce vocable commode bien que je veuille parler ici non des mathématiciens qui suivent la voie ouverte par Cantor, ni peut-être même des philosophes qui se réclament de lui, mais de ceux qui ont les mêmes tendances d'une façon indépendante), que les Cantoriens, dis-je, parlent constamment d'épistémologie, c'est-à-dire de la science des sciences ; et il est bien entendu que cette épistémologie est tout à fait indépendante de la psychologie ; c'est-à-dire qu'elle doit nous apprendre ce que seraient les sciences s'il n'y avait pas de savants ; que nous devons étudier les sciences, non sans doute en supposant qu'il n'y a pas de savants, mais du moins sans supposer qu'il y en a. Ainsi non seulement la Nature est une réalité indépendante du physicien qui pourrait être tenté de l'étudier, mais la physique elle-même est aussi une réalité qui subsisterait s'il n'y avait pas de physiciens. C'est bien là du réalisme.

Et pourquoi les Pragmatistes refusent-ils d'admettre des objets qui ne pourraient être définis par un nombre fini de mots ? C'est parce qu'ils considèrent qu'un objet n'existe que quand il est pensé, et qu'on ne saurait concevoir un objet