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l'adage : Natura non facit saltus ; mais elle y était étouffée par une foule de mauvaises herbes qui l'empêchaient de se développer et que les grands philosophes du XVIIe siècle ont fini par élaguer.

Eh bien, c'est cette idée fondamentale qui est aujourd'hui en question ; on se demande s'il ne faut pas introduire dans les lois naturelles des discontinuités, non pas apparentes, mais essentielles, et nous devons expliquer d'abord comment on a pu être conduit à une façon de voir aussi extraordinaire.


§ 1. — THERMODYNAMIQUE ET PROBABILITÉ

Reportons-nous à la théorie cinétique des gaz ; les gaz sont formés de molécules qui circulent dans tous les sens avec de grandes vitesses ; leurs trajectoires seraient rectilignes si de temps en temps elles ne se choquaient entre elles, ou si elles ne heurtaient les parois du vase. Les hasards de ces chocs finissent par établir une certaine distribution moyenne des vitesses, soit que l'on considère leur direction, soit que l'on envisage leur grandeur ; cette distribution moyenne tend à se rétablir d'elle-même dès qu'elle est troublée ; de sorte que, malgré la complication inextricable des mouvements, l'observateur qui ne peut voir que des moyennes n'aperçoit que des lois très simples qui sont l'effet