Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/254

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ment, ce serait une sottise de se priver d'aucun auxiliaire ; nous n'avons pas trop de toutes leurs forces réunies. Il y a des gens qui n'ont pas l'intelligence des choses scientifiques ; c'est un fait d'observation vulgaire, qu'il y a dans toutes les classes des élèves qui sont « forts » en lettres, et qui ne sont pas « forts » en sciences. Quelle illusion de croire que si la science ne parle pas à leur intelligence, elle pourra parler à leur coeur !

J'arrive au second point ; non seulement la science comme tout mode d'activité, peut engendrer des sentiments nouveaux, mais elle peut, sur les sentiments anciens, sur ceux qui naissent spontanément dans le cœur de l'homme, édifier une construction nouvelle. On ne peut pas concevoir un syllogisme où les deux prémisses seraient à l'indicatif et la conclusion à l'impératif ; mais on peut en concevoir qui soient bâtis sur le type suivant : Fais ceci, or, quand on ne fait pas cela, on ne peut pas faire ceci, donc fais cela. Et de pareils raisonnements ne sont pas hors de la portée de la science.

Les sentiments sur lesquels la morale peut s'appuyer sont de nature très diverse ; ils ne se rencontrent pas tous au même degré dans toutes les âmes. Chez les unes, ce sont les uns qui prédominent, et il y en a d'autres chez qui ce sont d'autres cordes qui sont toujours prêtes à vibrer. Les