Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/59

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ments, mais beaucoup plus simples, de lois qui ne régissent effectivement aucun objet naturel, mais qui sont concevables pour l’esprit. En ce sens, la géométrie est une convention, une sorte de cote mal taillée entre notre amour de la simplicité et notre désir de ne pas trop nous écarter de ce que nous apprennent nos instruments. Cette convention définit à la fois l’espace et l’instrument parfait.

Ce que nous avons dit de l’espace s’applique au temps ; je ne veux pas parler ici du temps tel que le conçoivent les disciples de Bergson, de cette durée qui, loin d’être une pure quantité exempte de toute qualité, est pour ainsi dire la qualité même et dont les diverses parties, qui d’ailleurs se pénètrent en partie mutuellement, se distinguent qualitativement les unes des autres. Cette durée ne pouvait être un instrument pour les savants ; elle n’a pu jouer ce rôle qu’en subissant une transformation profonde, qu’en se spatialisant, comme dit Bergson. Il a fallu en effet qu’elle devînt mesurable ; ce qui ne se mesure pas ne peut être objet de science. Or, le temps mesurable est aussi essentiellement relatif. Si tous les phénomènes se ralentissaient, et s’il en était de même de la marche de nos horloges, nous ne nous en apercevrions pas ; et cela quelle que soit la loi de ce ralentissement, pourvu qu’elle soit la même pour toutes les sortes de phénomènes et pour toutes les horloges. Les pro-