Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/86

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point commun pour être sûr de l’avoir divisé.

Il reste encore un point à traiter. Les continus dont nous venons de parler sont des continus mathématiques, chacun de leurs points est un individu absolument distinct des autres et, d’ailleurs, absolument indivisible. Les continus que nous révèlent directement nos sens, et que j’ai appelés continus physiques, sont tout différents. La loi de ces continus est la loi de Fechner, que je dépouillerai du pompeux appareil mathématique qui l’entoure d’ordinaire pour la réduire au simple énoncé des données expérimentales sur lesquelles elle repose. On sait distinguer au jugé un poids de 10 grammes d’un poids de 12 grammes ; on ne pourrait distinguer un poids de 11 grammes, ni de celui de 10 grammes, ni de celui de 12 grammes. Plus généralement il peut y avoir deux ensembles de sensations que nous distinguons l’un de l’autre, sans que nous puissions distinguer ni l’un, ni l’autre d’un même troisième. Cela posé, nous pouvons imaginer une chaîne continue d’ensembles de sensations de telle sorte que chacun d’eux ne se distingue pas du suivant, bien que les deux extrémités de la chaîne se discernent aisément ; ce sera là un continu physique à une dimension. Nous pouvons également imaginer des continus physiques plus complexes. Les éléments de ces continus physiques seront encore des ensembles de