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VI
introduction

la foi a un objet précis, elle n’aime pas à affronter la critique, elle la redoute et s’en irrite, alors même qu’elle fait profession de n’en rien craindre. Mais il n’en est pas de même de celle qui n’a d’autre objet qu’un idéal vague et indéterminé ; celle-là fait bon ménage avec l’esprit critique ; elle est comme un aiguillon qui nous pousse sans cesse en avant ; mais elle ne nous interdit pas, à chaque croisée de chemins, d’examiner librement quelle route il convient de prendre. Les gens du dix-huitième siècle, qui ont tout critiqué, se sont embarqués pleins de confiance pour un Eldorado inconnu.

La foi du savant n’est donc pas celle du chrétien ; mais il y a plus, la foi religieuse n’est pas toujours pareille à elle-même. Il y a deux sortes de besoins religieux, il y a le besoin de certitude, il y a celui d’amour mystique ; il est rare que l’un et l’autre se rencontrent dans une même âme. C’est le premier qui fait les orthodoxes, c’est l’autre qui fait les hérétiques. La foi du savant ne ressemble