Page:Henri Poincaré - Savants et écrivains, 1910.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
SAVANTS ET ÉCRIVAINS

siens : « C’est chez Leconte de Lisle que j’ai pour la première fois bien compris ce que c’est qu’un vers bien fait. J’appris à cette école que la richesse et la sobriété sont données toutes deux à la fois par la seule justesse. » En résumé il leur a pris quelque chose de leur forme, mais rien d’autre. À leur exemple, il a fait quelques-uns de ces tableaux où un pinceau ferme et précis juxtapose des couleurs fines et éclatantes, et qui font penser aux peintures de Meissonier et de certains Hollandais. Tels sont le Cygne, le Soleil, la Pluie. Mais ce ne furent que des essais ; sa nature l’entraînait ailleurs.

On l’a comparé à Vigny et cette comparaison est juste ; tous deux sont des penseurs en même temps que des poètes ; tous deux ont souffert de l’imperfection de l’univers ; mais tandis que l’aristocrate est d’abord choqué de ce que le monde a de vulgaire, Sully, sur qui a passé le souffle démocratique de son siècle, s’indigne avant tout qu’il soit injuste. Cependant la pensée de Vigny ne paraît pas avoir exercé sur lui une influence directe, et cette ressemblance est fortuite ;