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SULLY PRUDHOMME

dicat d’intérêts, c’est le faisceau des idées généreuses et même des généreuses folies pour lesquelles nos pères ont combattu et souffert, et alors une France haineuse ne serait plus la France.

Voilà pourquoi Sully s’est écrié :


Et plus je suis Français, plus je me sens humain !


Peut-être aujourd’hui croirait-il nécessaire d’ajouter que trahir la France, ce serait trahir l’humanité.

C’est vers l’âge de quarante ans que Sully Prudhomme publia les poèmes philosophiques. Il ne faudrait pas croire qu’il se fit philosophe en vieillissant, comme d’autres se font ermites. Bien au contraire ; c’est au Creusot qu’il écrivit cette traduction de Lucrèce qui ne fut imprimée que longtemps après.

Du premier coup, il se distingue de ceux qui, avant lui, avaient traité en vers de semblables sujets ; en effet il sait ; sa conscience scrupuleuse ne lui aurait pas permis de parler d’un objet qu’il aurait mal connu ; elle n’aurait pas toléré non plus une expression à demi précise ou à demi exacte.