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SULLY PRUDHOMME

Plein de reconnaissance pour son maître, Lucrèce veut apporter aux hommes la parole de délivrance ; il part, joyeux et résolu, pour son apostolat ; c’est cette ardeur qui nous émeut et qui fait vibrer ses vers. Aujourd’hui, ce qui rend tragiques les poèmes de notre siècle, c’est l’angoisse de la lutte intérieure et du doute ; ce n’est plus au dehors que les combats se livrent, c’est au dedans.

Sully nous a dit comment il fut amené à traduire le premier livre de la Nature des Choses : « Cette traduction fut entreprise comme un simple exercice, pour demander au plus robuste et au plus précis des poètes le secret d’assujettir le vers à l’idée. » C’est donc un instrument qu’il voulait se forger, et cet instrument nous a donné les Destins, la Justice et le Bonheur.

Le monde est-il bon ou mauvais ? ou bien les optimistes et les pessimistes ne sont-ils pas dupes d’une commune illusion ? Tel est le problème qu’il se pose dans son premier poème philosophique, les Destins.

Sully Prudhomme nous montre l’esprit du bien et l’esprit du mal étudiant chacun de son