Page:Henri Poincaré - Savants et écrivains, 1910.djvu/84

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faction de ce besoin d’idéal romanesque qui sommeille chez les plus sages d’entre nous.

La vie de Scherer est un de ces drames intérieurs qui ont tourmenté tant de consciences contemporaines. Après de longues études, il avait dû abandonner une foi qu’il ne pouvait cesser d’aimer. Il lui avait fallu sacrifier tous ses souvenirs et ce qu’il était habitué à regarder comme l’unique soutien ; et ce sacrifice était nécessaire s’il ne voulait pas que sa vie morale reposât sur un mensonge.

Gréard ne pouvait éprouver à son endroit qu’une profonde sympathie, puisque ces luttes intimes étaient la preuve d’une haute valeur morale, et d’une absolue sincérité, et c’est pourquoi il a voulu nous en raconter l’histoire. Personnellement il n’avait pas connu les mêmes déchirements ; les divers dieux qu’il servait s’étaient toujours accordés sans peine. Ce fut pour lui un bonheur entre beaucoup d’autres ; sa vie, en effet, fut heureuse, et elle nous est un exemple salutaire, puisqu’elle nous enseigne que le travail et la fidélité au devoir peuvent engendrer la joie.