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curie

qui se heurtent à travers le monde sans savoir où elles vont et en broyant tout sur leur passage.

Ses amis, ses confrères comprirent tout de suite la portée de la perte qu’ils venaient de faire ; mais le deuil s’étendit bien au-delà ; à l’étranger, les plus illustres savants s’y associèrent et tinrent à manifester l’estime où ils tenaient notre compatriote, pendant que dans notre pays, il n’était pas un Français, si ignorant qu’il fût, qui ne sentit plus ou moins confusément quelle force la patrie et l’humanité venaient de perdre.

Curie apportait dans l’étude des phénomènes physiques je ne sais quel sens très fin qui, lui faisant deviner les analogies insoupçonnées, lui permettait de s’orienter à travers un dédale de complexes apparences où d’autres se seraient égarés. Le monde s’offre à nous comme une suite d’images changeantes et bariolées qui semblent se succéder capricieusement. Tous les physiciens savent que ces aspects fugitifs recouvrent un fond immuable ; mais tous ne savent pas le découvrir. Les uns, comme l’enfant qui