sur ces basses profondes se détachent, en notes
aiguës, le fausset des commères, les jurons des
filles de ferme menant les vaches à l’abreuvoir :
« Tê ! tê ! ohé, la rouge ! mords-la, capitaine ! »
Les chiens aboient, les ânes braient ; les marmots
tombent et piaillent, étendus à terre
jusqu’à ce qu’une femme les relève ; d’autres,
plantés au milieu du chemin, où ils se croient
perdus, restent là, immobiles, pleurant et jetant
à leur mère, avec une persistance automatique,
des appels désolés. Tous ces petits morveux, si
roses, si blonds sous le rayon de soleil qui
caresse leurs cheveux d’or, se barbouillent avec
leurs tartines, se culbutent, se querellent,
crient, trépignent, glapissent.
« Viens çà, ici, mon ââmi, viens, mon ange, viens, mon trésor, viens, mon pépin… »
Et l’enfant de ne bouger non plus qu’une borne :
« Vas-tu venir ici tout de suite, monstre d’afant, vilain bêtet… ou le mossieu va te fourrer dans sa boîte !… »
Le « mossieu va te fourrer dans sa boîte » est d’un effet souverain. Les marmailles courent aussitôt se cacher dans le tablier de leur mère, en renfonçant leurs larmes.