Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pêchent l’accumulation et l’emploi des capitaux ? La vraie limitation ne vient-elle pas de là, et non du manque de capital dont on ne pourrait pas se servir même s’il y en avait ? Nous pouvons, naturellement, imaginer une communauté dans laquelle le manque de capital serait le seul obstacle à l’accroissement de la productivité du travail, mais ce serait en imaginant une réunion de conditions qui doit exister rarement ou même jamais, sauf accidentellement et pendant peu de temps. Une communauté dans laquelle le capital a été balayé par la guerre, par une conflagration ou un tremblement naturel, ou, peut-être, une communauté composée d’hommes civilisés à l’instant jetés dans un pays nouveau, me paraissent seules fournir des exemples. Et l’on a souvent remarqué la rapidité avec laquelle le capital d’un emploi courant, se reforme dans une communauté qui a été éprouvée par la guerre, ainsi que la rapide production du capital dont usera habituellement une nouvelle communauté. Je ne vois que de semblables conditions, rares et passagères, dans lesquelles la productivité du travail puisse être réellement limitée par le manque de capital. Car, bien que dans une communauté il puisse y avoir les individus qui, manquant de capital, ne peuvent appliquer leur travail aussi efficacement qu’ils le voudraient ; cependant, tant qu’il y aura dans la communauté en général, un capital suffisant, la limitation réelle ne viendra pas du manque de capital, mais du manque de bonne distribution. Si un mauvais gouvernement enlève au travailleur son capital, si des lois injustes prennent au producteur la richesse avec laquelle il aiderait la production, et la mettent entre les mains de ceux qui ne sont que les pensionnaires de l’industrie, la limitation réelle de l’efficacité du travail, vient de ce que le gouvernement est mauvais, et non du manque de capital. Et il en est de même de l’ignorance, de la routine, qui empêchent l’usage du capital. Ce sont elles et non le manque de capital qui constituent réellement la limitation. Donner une scie circulaire à un Fuégien, ou une locomotive à un Bédouin,