Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/118

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société humaine, des effets heureux de la « lutte pour l’existence » et de la « survivance des plus forts, » qui, nous dit-on en s’appuyant sur la science naturelle, ont été les moyens employés par la nature pour produire les formes infiniment diversifiées et merveilleusement adaptées que présente la vie sur le globe ? Qu’est-ce, si ce n’est la reconnaissance de la force qui, en apparence cruelle et sans remords, a cependant dans le cours d’âges innombrables développé la mye des sables d’un type inférieur ; le singe, de la mye ; l’homme, du singe, et le xixe siècle de l’âge de pierre ?

Ainsi recommandée et prouvée en apparence, ainsi rattachée et appuyée, la théorie de Malthus, — la théorie qui enseigne que la pauvreté est due à l’excès de la population par rapport aux moyens de subsistance, ou, pour mettre la même chose sous une autre forme, que la tendance à l’accroissement du nombre des ouvriers doit toujours tendre à réduire les salaires au minimum avec lequel les ouvriers peuvent vivre et se reproduire, — est maintenant généralement acceptée comme une vérité indiscutable, à la lumière de laquelle on peut expliquer les phénomènes sociaux, comme pendant des siècles on a expliqué les phénomènes du monde sidéral en supposant que la terre était fixe, ou les faits géologiques en s’appuyant sur le récit mosaïque. Si l’autorité était la seule chose qui fût à considérer, il faudrait presque autant d’audace pour nier formellement cette théorie qu’il en a fallu à ce prédicateur de couleur qui récemment est parti en guerre contre l’opinion que la terre tourne autour du soleil ; car, sous une forme ou sous une autre, la doctrine de Malthus a reçu un tel accueil du monde intellectuel qu’on la retrouve dans la meilleure littérature comme dans la plus ordinaire. Elle a été acceptée par les économistes, les hommes politiques, les historiens, les naturalistes ; par les congrès s’occupant de science sociale, et par les trades-unions ; par les ecclésiastiques et par les matérialistes ; par les conservateurs les plus stricts et par les radicaux les plus absolus. Et ceux qui n’ont jamais entendu par-