Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/37

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ment du nombre des travailleurs tend naturellement à suivre et à dépasser tout accroissement du capital. L’accroissement du diviseur n’étant ainsi entravé que par les possibilités du quotient, le dividende peut augmenter à l’infini sans donner pour cela un résultat plus grand.

Cette doctrine, dans la pensée de tous, a une autorité indiscutable. Les noms les plus célèbres parmi les économistes, y acquiessent, et bien qu’on l’ait parfois attaquée, ces attaques ont été, en général, plus de forme que de fond[1]. Buckle la prend pour base de ses généralisations sur l’histoire universelle. On l’enseigne dans toutes, ou presque toutes, les grandes universités anglaises et américaines, on l’expose dans tous les traités qui ont pour but d’amener les masses à raisonner correctement sur les affaires pratiques ; enfin elle semble s’harmoniser avec la nouvelle philosophie qui, en peu d’années, a conquis presque tout le monde scientifique, et pénètre rapidement aujourd’hui l’esprit des masses.

Cette doctrine ainsi retranchée dans les régions supérieures de la pensée, est, sous une forme plus grossière, encore mieux enracinée dans ce qu’on peut appeler les régions inférieures. Ce qui donne aux fausses idées de protection une telle prise sur les esprits, en dépit des inconséquences et des absurdités qu’elles renferment, c’est ceci : on se figure que la somme qui doit être distribuée sous forme de salaires, est, dans chaque communauté, une somme fixe que la concurrence du « travail

  1. Cela me paraît vrai des objections de M. Thornton, car pendant qu’il nie l’existence d’un fonds prédéterminé de salaires, consistant en une portion du capital mis à part pour l’achat du travail, il affirme cependant (ce qui est essentiel) que les salaires sont tirés du capital, et que à l’accroissement ou à la diminution du capital correspond l’accroissement ou la diminution de sonds destiné au paiement des salaires. L’attaque la plus sérieuse que je connaisse, faite à la théorie du fonds réservé aux salaires, est celle portée par le professeur A. Walker (La question des salaires, New-York, 1876) ; et cependant il admet que les salaires sont en grande partie avancés sur le capital — c’est tout ce que peut demander le partisan le plus résolu de la théorie des fonds réservés aux salaires — pendant qu’il accepte complètement la théorie de Malthus. Donc ses conclusions pratiques ne diffèrent en aucune manière de celles que donnent les interprètes de la théorie courante.