Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/381

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La base du système féodal était la propriété absolue de la terre, idée que les barbares acquirent rapidement au milieu de la population conquise à laquelle cette idée était familière ; mais au-dessus de cela, la féodalité jeta un droit supérieur, et le procédé de l’inféodation consistait à mettre la domination individuelle dans la subordination de la domination supérieure qui représentait la grande communauté ou la nation. Ses unités étaient les propriétaires qui, en vertu de leur propriété, étaient seigneurs absolus sur leurs domaines, et qui y accomplissaient leur office de protecteurs que M. Taine a décrit avec tant de pittoresque, bien qu’avec des couleurs trop vives, dans son chapitre d’ouverture de son Ancien Régime. L’œuvre de la féodalité fut de lier ces unités pour en former des nations, et de subordonner les pouvoirs et les droits des seigneurs individuels de la terre, aux pouvoirs et aux droits de la société collective représentée par le suzerain ou roi.

Donc la féodalité, dans sa naissance et son développement, fut le triomphe de l’idée du droit commun à la terre, changeant la tenure absolue en tenure conditionnelle, en imposant des obligations particulières en retour du privilège de la réception de la rente. Et en même temps le pouvoir de la propriété de la terre était tranché par en dessous, le fermage à volonté des cultivateurs du sol se changeant généralement en fermage par coutume, et la rente que le seigneur pouvait arracher au paysan devenant fixe et certaine.

Et au milieu de l’organisation féodale restèrent ou naquirent des communautés de cultivateurs plus ou moins soumises aux droits féodaux, qui cultivaient la terre comme une propriété commune ; et, bien que les seigneurs, là, où et quand ils en avaient le pouvoir, réclamassent tout ce qu’ils jugeaient digne d’être réclamé, cependant l’idée d’un droit commun était assez forte pour être attachée par la coutume à une portion considérable de la terre. Les communs, dans les temps féodaux, ont dû s’étendre sur une grande partie de la surface de bien des contrées eu-