Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/41

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peuvent s’expliquer ainsi. Dans ces alternatives de « bons temps » et de « temps durs, » une demande animée de travail et de salaires élevés est toujours accompagnée d’une demande animée de capital et de taux élevés d’intérêt. Tandis que lorsque les travailleurs ne peuvent trouver à s’employer et que les salaires baissent, il y a toujours accumulation de capitaux cherchant un placement à des taux très faibles[1]. La crise actuelle n’est pas moins remarquable par le manque d’occupation et la misère des classes ouvrières que par l’accumulation des capitaux inoccupés dans tous les grands centres ; et ainsi, dans des conditions qui ne permettent pas d’accepter comme explication la théorie courante, nous voyons un intérêt élevé coïncider avec des salaires élevés, et un intérêt peu élevé coïncider avec des salaires bas, le capital en apparence rare lorsque le travail est rare, et abondant lorsque le travail l’est aussi.

Tous ces faits bien connus, qui coïncident les uns avec les autres, prouvent un rapport entre les salaires et l’intérêt, mais un rapport d’union et non d’opposition. Évidemment ils ne sont pas d’accord avec la théorie courante : les salaires sont déterminés par le rapport entre le travail et le capital ou une partie quelconque du capital.

Comment alors, demandera-t-on, une semblable théorie a-t-elle pu se former ? Comment une série d’économistes l’a-t-elle acceptée depuis Adam Smith jusqu’à nos jours ? Si nous examinons les arguments à l’aide desquels on sou tient dans les traités cette théorie du salaire, nous voyons dès l’abord que cette théorie ne consiste pas en une induction résultant de l’observation des faits, mais en une déduction tirée d’une autre théorie présumée vraie antérieurement : les salaires sont distraits du capital. Puisqu’on affirme que le capital est la source des salaires, il s’ensuit naturellement que la somme totale des

  1. Les époques de panique commerciale sont marquées par une élévation du taux de l’escompte, ce qui n’est pas assurément un taux élevé d’intérêt proprement dit, mais un taux élevé d’assurance contre les risques.