Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/428

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paient peu de chose ou rien consciemment. Aux États-Unis il se forme rapidement une classe qui non seulement ne s’intéresse pas aux impôts, mais encore ne s’occupe pas de savoir si le gouvernement est bon. Dans nos grandes villes, les élections sont en grande partie déterminées non par des considérations d’intérêt public, mais par des influences semblables à celles qui déterminaient les élections à Rome quand les masses eurent cessé d’avoir d’autre souci que celui du pain et du cirque.

La substitution d’une seule taxe sur la terre, aux nombreuses taxes maintenant imposées, aurait pour effet d’amoindrir à peine le nombre de ceux qui paient consciemment l’impôt, car la division des terres aujourd’hui gardées par spéculation, augmenterait beaucoup le nombre des propriétaires. Mais cette substitution égaliserait la distribution de la richesse de façon à élever le plus pauvre au-dessus de cette condition d’abjecte pauvreté dans laquelle les considérations publiques n’ont pas de poids ; elle détruirait en même temps ces fortunes excessives qui amènent leurs possesseurs à se désintéresser des choses du gouvernement. Les classes dangereuses au point de vue politique sont les classes très riches et les classes très pauvres. Ce ne sont pas les impôts qu’il est conscient de payer qui donnent à un homme un pied dans le pays, un intérêt dans son gouvernement ; mais bien le sentiment qu’il est une part intégrale de la communauté ; que la prospérité de la communauté est sa prospérité, et son malheur, sa honte. Que le citoyen ait seulement ce sentiment ; qu’il soit entouré des influences qui naissent d’une maison confortable, et la communauté pourra compter sur lui, sur sa vie même. Les hommes ne votent pas patriotiquement, pas plus qu’ils ne se battent patriotiquement, à cause de la manière dont ils paient leurs impôts. Tout ce qui tendra au bien-être, à l’indépendance de la condition matérielle des masses, améliorera et élèvera l’esprit public, rendra plus intelligent et plus vertueux le pouvoir gouvernant suprême.

Mais on peut demander : si l’impôt sur la terre est une ma-