Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/481

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l’apprivoiser ; de l’amener à vivre avec ses pareils, et soumis à la loi ; de la la formation d’un corps ou « gâteau » de lois et de coutumes, fortifié et étendu par la sélection naturelle, la tribu ou la nation ayant reconnu des obligations entre ses membres aura un avantage sur celles qui n’ont pas de lois. Ce corps de coutumes et de lois devient ensuite trop serré et trop dur pour permettre de nouveaux progrès, qui ne peuvent avoir lieu que si certaines circonstances font naître la discussion, et permettent ainsi la liberté et la mobilité nécessaires au progrès.

Cette explication qu’offre M. Bagehot avec une certaine hésitation, ne subsiste je crois qu’aux dépens de la théorie générale. Mais la chose ne vaut pas la peine d’être discutée, car cette explication va manifestement contre les faits.

Cette tendance à la pétrification dont parle M. Bagehot se serait manifestée à une période très primitive du développement, et presque tous les exemples qu’on en donne sont tirés de la vie sauvage ou à demi-sauvage. Au lieu de cela, ces civilisations arrêtées ont avancé pendant longtemps, avant leur arrêt. Il a dû exister un temps où elles étaient très avancées en comparaison de l’état sauvage, et où elles étaient encore plastiques, libres, et progressaient. Ces civilisations pétrifiées s’arrêtèrent à un point à peine inférieur, et souvent supérieur, à la civilisation européenne du seizième ou au moins du quinzième siècle. Jusqu’à ce point il y a donc dû avoir des discussions, on a dû saluer les nouveautés, déployer une activité mentale dans tous les sens. Ces pays ont eu des architectes qui ont porté l’art de la construction, nécessairement par une série d’innovations ou d’améliorations, à un point très élevé ; des constructeurs de navires qui par le même procédé, à la suite d’innovations successives, ont produit des vaisseaux aussi bons que les vaisseaux de guerre de Henri VIII ; des inventeurs qui se sont arrêtés sur la limite même de nos inventions les plus importantes, et qui peuvent même nous apprendre encore quelque chose ; des ingénieurs qui ont dirigé de grands travaux d’irrigation et construit des