Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/529

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cile, grâce au suffrage universel, de s’emparer du pouvoir, car le pouvoir se trouve davantage entre les mains de ceux qui ne se sentent pas directement intéressés à la direction du gouvernement ; qui, torturés par le besoin et abrutis par la pauvreté, sont prêts à vendre leurs votes au plus offrant, ou à suivre le démagogue qui crie le plus fort ; ou qui, aigris par l’oppression, regardent un gouvernement tyrannique et dissolu avec la satisfaction que pouvaient ressentir les prolétaires et les esclaves de Rome quand ils voyaient un Caligula ou un Néron décimer les riches patriciens. Étant donnée une communauté ayant des institutions républicaines dans laquelle une classe est trop riche pour être dépouillée de son luxe, de quelque manière que soient administrées les affaires publiques, et une autre est si pauvre, que quelques dollars un jour d’élection ont plus d’influence que toutes les considérations abstraites ; et dans laquelle le petit nombre vit dans la richesse, et le grand nombre dans le mécontentement d’un état de choses auquel il ne connaît pas de remède, le pouvoir doit tomber dans les mains des agioteurs qui l’achètent et le vendent, comme les Prétoriens vendaient la pourpre romaine, ou dans les mains de démagogues qui le manieront un certain temps avant d’être remplacés par de pires démagogues.

Là où existe quelque chose ressemblant à une distribution égale de richesse, c’est-à-dire là où le patriotisme, la vertu et l’intelligence sont très répandus, plus le gouvernement est démocratique, meilleur il est ; mais là où il y a de grandes inégalités dans la distribution de la richesse, plus le gouvernement est démocratique, plus il est mauvais ; car bien que la démocratie corrompue ne soit pas en elle-même pire que l’aristocratie corrompue, cependant ses effets sur le caractère national sont plus funestes. Donner le suffrage à des vagabonds, à des pauvres, à des hommes pour qui la chance du travail est une grâce à des hommes qui doivent mendier, voler, ou mourir de faim, c’est appeler la destruction. Mettre le pouvoir politique