Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/533

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une organisation sociale dans laquelle la terre est propriété privée, force chaque travailleur de chercher un maître, de même que le peu de sécurité des temps qui suivirent la chute de l’empire romain, força chaque homme libre à chercher un seigneur. Rien ne semble pouvoir échapper à cette tendance. L’industrie tend partout à assumer une forme dans laquelle un seul est maître et beaucoup servent. Et quand un individu est le maître, et que les autres servent, le maître domine les autres même pour des choses comme les votes. De même que le landlord anglais fait voter ses tenanciers, de même le manufacturier américain fait voter ses ouvriers.

Il n’y a pas à s’y tromper, les fondements mêmes de la société sont sapés sous nos propres yeux, pendant que nous nous demandons comment il pourrait se faire qu’une civilisation comme la nôtre, avec ses chemins de fer, ses journaux, ses télégraphes électriques, soit détruite. Pendant que la littérature vit de la croyance que nous avons laissé et que nous laisserons toujours l’état sauvage de plus en plus loin derrière nous, des indices prouvent qu’actuellement nous retournons vers la barbarie. Qu’il me soit permis de citer des exemples : un des traits caractéristiques de la barbarie, c’est le peu de respect pour les droits de la personne et de la propriété. On cite comme preuve de la barbarie de nos ancêtres anglo-saxons et de la supériorité de notre civilisation, le fait que nos ancêtres imposaient au meurtrier, comme punition, une amende proportionnée à la condition de la victime, tandis que notre loi ne connaît pas de distinction de rang, et protège l’inférieur comme le supérieur, le pauvre comme le riche par la punition égale du meurtre. De même on donne comme preuve concluante de l’état grossier que nous avons laissé si loin en arrière, le fait que la piraterie, le vol, la traite des esclaves, étaient autrefois considérés comme des occupations légitimes.

Mais en réalité, en dépit de nos lois, quiconque a assez d’argent et désire tuer un autre homme, peut aller dans n’importe