Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mation du capital est nécessaire à l’application du travail, et en déduit tout naturellement que l’industrie est limitée par le capital, que la demande de travail dépend de l’approvisionnement de capital, et que par conséquent les salaires dépendent du rapport entre le nombre des ouvriers cherchant de l’ouvrage, et la somme de capital consacrée à leur embauchage.

J’espère que le précédent chapitre a rendu chacun capable d’apercevoir l’idée fausse renfermée dans ce raisonnement, idée fausse qui a embarrassé les esprits les plus perspicaces dans les filets qu’ils se tressaient eux-mêmes. L’emploi du mot capital dans deux sens différents a fait tout le mal. Quand on dit que le capital est nécessaire à l’exercice du travail productif, on comprend dans le mot « capital » les aliments, les vêtements, l’abri, etc. ; quand ensuite on tire de ceci des déductions, on emploie le mot avec son sens commun et légitime de richesse consacrée, non à la satisfaction immédiate du désir, mais à l’accroissement de la richesse, de la richesse aux mains des patrons par opposition à celle entre les mains des ouvriers. La conclusion n’est pas plus valide qu’elle le serait si l’on acceptait cette proposition : un ouvrier ne peut pas aller à son travail sans avoir déjeuné, et sans avoir quelques vêtements, donc le nombre d’ouvriers pouvant travailler est limité par le nombre de ceux auxquels leurs patrons ont fourni un déjeuner et des habits. En fait les ouvriers fournissent en général leur propre repas et les vêtements avec lesquels ils vont au travail ; de plus, le capital (le mot pris dans le sens qui le distingue du travail) peut, dans quelques cas exceptionnels, faire des avances au travail, mais il n’est jamais forcé de le faire, avant que le travail commence. Si l’on proposait à ce nombre énorme d’ouvriers inoccupés en ce moment dans le monde civilisé, de travailler sans recevoir aucune avance de salaire, on n’en trouverait probablement pas un, parmi ceux qui désirent vraiment travailler, qui refuserait la proposition. La plus grande partie d’entre eux travailleraient avec joie quand même on ne leur promet-