Page:Heredia - Discours de réception, 1895.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une voix bien chère qui s’est tue depuis bien longtemps, la prière matinale :


Ô Père qu’adore mon père !
Toi qu’on ne nomme qu’à genoux !
Toi dont le nom terrible et doux
Fait courber le front de ma mère !


« Lamartine, disait M. de Humboldt en 1843, est une comète dont on n’a pas encore mesuré l’orbite. » C’est vingt-cinq ans après sa mort, aux dernières années de ce siècle dont il est la gloire la plus pure, que nous commençons à concevoir quelle fut la grandeur de ce poète de la pensée et de l’action qui réunit tous les traits, toutes les formes du génie. La Grèce, après avoir placé sa lyre au milieu des étoiles, eût fait de ce mortel, dont la vie est si pleine qu’elle tient plusieurs vies, un personnage mythique, un autre Orphée, car il a dompté de toutes les bêtes la plus féroce, l’homme ; ou, plutôt, quelque Bellérophon, vainqueur de la Chimère et cavalier du Cheval ailé des Muses, tombé du ciel comme lui, et finissant de vivre, ainsi que le dit Homère, le cœur consumé de chagrins, seul, et fuyant les sentiers des hommes. Pour nous, il est l’exemplaire, le représentant le plus noble de l’humanité, le Héros moderne.

Il apparaît le premier de la grande triade poétique. Sa clarté rayonnante est la première qui ait ébloui le siècle. Les Poèmes du pur et sombre Vigny, les Odes de l’enfant sublime qui devait être Victor Hugo, ne parurent que deux ans après les Méditations. Il est aussi le premier parmi les