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LES TROPHÉES

Ces moutons singuliers et de nouvelle espèce
Dont la taille était haute et la toison épaisse ;
Même, il daigna peser entre ses doigts royaux,
Fort gracieusement, la lourdeur des joyaux ;
Mais quand il dut traiter l’objet de la demande,
Il répondit avec sa rudesse flamande :
Qu’il trouvait, à son gré, que le vaillant Marquis
Don Hernando Cortès avait assez conquis
En subjuguant le vaste empire des Aztèques ;
Et que lui-même ainsi que les saints Archevêques
Et le Conseil étaient fermement résolus
À ne rien entreprendre et ne protéger plus,
Dans ses possessions des mers occidentales,
Ceux qui s’entêteraient à ces courses fatales
Où s’abîma jadis Diego de Nicuessa.
Mais, à ce dernier mot, Pizarre se dressa
Et lui dit : Que c’était chose qui scandalise
Que d’ainsi rejeter du giron de l’Église,
Pour quelques onces d’or, autant d’infortunés,
Qui, dans l’idolâtrie et l’ignorance nés,
Ne demandaient, voués au céleste anathème,
Qu’à laver leurs péchés dans l’eau du saint baptême.
Ensuite il lui peignit en termes éloquents
La Cordillère énorme avec ses vieux volcans
D’où le feu souverain, qui fait trembler la terre
Et fondre le métal au creuset du cratère,
Précipite le flux brûlant des laves d’or