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LES TROPHÉES

L’immensité du vide et la grandeur du gouffre
Se mêlèrent, abîme éblouissant. Le soufre,
L’eau bouillante, la lave et les feux souterrains,
Soulevant son échine et crevassant ses reins,
Avaient ouvert, après des siècles de bataille,
Au flanc du mont obscur cette splendide entaille.

Et, la terre manquant sous eux, les Conquérants
Sur la corniche étroite ayant serré leurs rangs,
Chevaux et cavaliers brusquement firent halte.

Les Andes étageaient leurs gradins de basalte,
De porphyre, de grès, d’ardoise et de granit,
Jusqu’à l’ultime assise où le roc qui finit
Sous le linceul neigeux n’apparaît que par place.
Plus haut, l’âpre forêt des aiguilles de glace
Fait vibrer le ciel bleu par son scintillement ;
On dirait d’un terrible et clair fourmillement
De guerriers cuirassés d’argent, vêtus d’hermine,
Qui campent aux confins du monde, et que domine
De loin en loin, colosse incandescent et noir,
Un volcan qui, dressé dans la splendeur du soir,
Hausse, porte-étendard de l’hivernal cortège,
Sa bannière de feu sur un peuple de neige.