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Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/115

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MAJOGBÉ.

c’était une cohue terrifiante. Les clameurs s’entendaient malgré les tonnerres. Les rafales qui passaient dans les feuillages des arbres fétiches tordaient les branches et faisaient tomber la fureur sacrée dans les esprits. Les femmes de Chango poussaient des gémissements, déchiraient leurs vêtements, se roulaient sur le sol et puis levaient les bras vers le ciel en suppliant le dieu d’épargner les innocents de la ville, de ne frapper que les coupables. Des glaives brillaient. Des cris de mort montaient. Chango voulait des victimes. Maté essayait de parler. Ses paroles retombaient étouffées. Drapé dans sa robe blanche, il redressait son corps plié par l’âge. Il avait fière contenance. Il faisait face au danger. Il voulait finir debout. Il insultait la lâcheté des Ogbonis, qui s’éloignaient, l’abandonnaient. Il insultait Elado, qui, menaçant, le montrait aux colères, attendant une éclaircie de calme pour le juger et mettre dans cette vengeance, dans cet assassinat, le droit religieux…

— Tu as eu peur de moi, tu triomphes, criait Maté en rage, face contre face, je connais tes mystères de Chango. Le dieu n’est pas avec toi. Si je tombe, Oro me vengera… Tu tomberas aussi… Tiens, il me venge déjà. Vois.

Et le vieillard, les yeux pleins d’une joie féroce, étendit ses longs bras maigres dans la direction du palais d’Elado. Les toits immenses, les clochers orgueilleux du chef redouté flambaient aussi ;