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MAJOGBÉ.

empressée… plus un-être ne restait. Les vérandas et les grandes galeries sur lesquelles s’ouvraient les chambres étaient vides. Plus rien dans la cour où Kosioko tenait ses audiences. Plus rien dans les cours intérieures où les chevaux avaient leurs mangeoires toujours remplies. Les poules, les chèvres, les moutons, les vaches, tous les trésors vivants qui faisaient la gloire et l’orgueil de Kosioko avaient disparu. Les voleurs n’avaient pas même laissé le fumier. Les portes des cases avaient été arrachées, On avait pris jusqu’à la paille des toits. Le pillage avait fait du palais magnifique une misérable suite de ruines destinées à conserver dans les temps le souvenir du châtiment !

Majoghé regardait en curieux, comme si cette maison n’avait pas été la sienne. Il n’était pas triste, il ne pleurait pas. Il avait donné en une fois toute sa douleur, dans la case des Ogbonis, pendant le drame où son amour filial s’était heurté à la poigne brutale des bourreaux. Maintenant qu’il avait pu faire le sacrifice des funérailles, il se trouvait tranquille et ne croyait plus qu’il dût jamais pleurer. Il ne regrettait rien. Le fait était là. Il s’inclinait. Il était le vaincu. Il prenait simplement une leçon de destruction. Il regardait comment on ruine une demeure. Il enfonçait ce spectacle dans son esprit, sans colère, en enfant qui veut apprendre afin de se souvenir, pour le jour prévu où, puissant à son tour, il rendra œil pour œil, dent pour dent.