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MAJOGBÉ.

Avant de partir il se rappela un coin de grenier où il avait caché un pagne et des cauris, mais il ne trouva plus rien. Et cela l’irrita beaucoup. L’anéantissement de sa maison, l’esclavage, la pauvreté qui l’attendaient, ne lui avaient arraché aucune plainte. Le vol de son pagne et de sa petite bourse le mit en fureur. Il cut des jurons terribles. Il ne craignit point d’invoquer Champana. Il appela même à son secours le mauvais esprit des lépreux. Très indigné, il prit une poignée de terre et la jeta aux quatre points cardinaux en maudissant l’espace et la ville.

C’était l’heure des matinales audiences lorsque l’enfant pénétra dans la demeure du chef Elado, à qui le partage des biens du vaincu l’avait attribué. Tout le monde, dans la case, savait avec quelle colère Elado avait accepté la disparition de son jeune esclave, et quelles terribles menaces le maître avait faites à Maté qu’il soupçonnait de lui avoir pris Majoghé.

Elado fut heureux et flatté dans son amour-propre en voyant l’enfant. Il le fit entrer tout de suite dans ses appartements retirés et l’interrogea :

— D’où viens-tu ? où as-tu passé ces trois jours ? comment es-tu parti du temple des Ogbonis ? C’est Maté qui t’avait pris, caché ?