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MAJOGBÉ.

III

Pendant trois jours, à Aro, Majogbé chargea dix grandes pirogues. Tous les esclaves de la maison d’Elado apportaient des sacs d’amandes, des jarres d’huile. C’était la richesse d’un village sur une flottille. Les femmes venaient avec des nourritures pour les ouvriers. Banyane les accompagnait chaque jour au port, dans le creux des rochers, où les pirogues amarrées se remplissaient à plat bord. Elle était là quand les féticheurs de la maison firent les sacrifices pour apaiser les esprits des eaux. Il fallait, en effet, les rendre propices aux voyageurs. Les piroguiers pourraient ainsi triompher des difficultés de la route et éviter les brisants cachés contre lesquels les bateaux sont mis en pièces quand un malin génie les haït. Ils ne succomberaient point dans les remous et les tourbillons dangereux, au fond desquels des diables se tiennent, qui saisissent les navigateurs malheureux et en font des esclaves dans leurs mys-