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écartées. Quelquefois, on ne voyait que des moitiés de corps. (Le 26, j’ai trouvé la moitié d’un homme sur la Savane.)

Essayez de vous représenter l’horreur de cet immense charnier aux premiers jours, quand le voyait M. Rozé, quand le voyaient les autres personnes qui m’ont communiqué leurs observations quand on n’avait encore inhumé ni brûlé aucun corps !…

Et les odeurs !…

Le 9, c’était une odeur âcre, complexe, indéfinissable, du volcan et de la rôtisserie, ateliers des poudres et cuisine graillonneuse, une odeur qui vous piquait la gorge. Il n’y avait pas encore de relents de putréfaction. Il est vrai que plus tard…

Le 11, M. Rozé alla au Carbet, à la petite anse. Près de la côte, il y avait une maison brûlée. Beaucoup de cadavres. Ils étaient légèrement rôtis. Ils avaient les yeux bouffis, la langue hors de la bouche.

Un chien n’était pas brûlé du tout, même pas roussi. Sa langue pendait. Et il y avait, à côté de lui une flaque de sang noir.

En s’éloignant de la côte, on notait la décroissance d’intensité du phénomène. Des arbres étaient entiers, les feuilles à peine roussies. On trouvait des cadavres encore vêtus et sans brûlures. Ils avaient la langue dehors et des taches de sang noir à côté d’eux. Dans une maison où se trouvaient quatre victimes, saisies par la mort dans leurs occupations du moment, et dont les attitudes ne marquaient aucune angoisse, il y avait quatre êtres vivants, chiens et chats. Une chienne était légèrement brûlée aux tétines. Elle regardait, les yeux atones. Elle ne bougeait pas. Quand on la prit, elle ne fit pas de mouvement, elle n’aboya point. Un petit