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« L’essor !…

« Quel pessimisme le niera ?…

« L’oiseau bleu algérien s’est élancé du nid. Le grain l’atteindra peut-être. Le siroco le bousculera sûrement, le tourbillon le roulera dans sa spirale, le faucon guettera sa défaillance pour fondre sur lui, le chasseur étranger le tiendra d’en bas au bout de son fusil attendant qu’il soit à portée.

« Mais l’oiseau bleu évite le grain, fuit le siroco, vole hors du tourbillon, dépiste le faucon, n’est pas à portée du fusil étranger.

« C’est qu’il n’est pas un moineau franc du Luxembourg qui ne quitte son toit de sénateur que pour franchir le marronnier du 20 mars d’une aile débile et pour aller pépier autour du vieux monsieur qui jette du pain tous les jours.

« L’oiseau bleu ne se sait ni sécurité, ni mie de pain. Mais il a la nature pour lui, et il s’en est servi. Le soleil a cuit son aile solide, l’horizon clair a développé son regard sûr, l’air doux lui a fait des poumons que n’essoufflent pas les longues envolées, la terre neuve et dure, qu’il faut gratter pour avoir du grain, a cuirassé les pattes et les becs des siens qui lui ont transmis leur force, le ciel plus illimité a rendu sa conception plus grande et plus grande sa volonté d’explorer très loin.

« Aussi son essor dépasse-t-il la largeur d’un marronnier !

« Il ne descend pas vers la mie de pain du fonctionnarisme. Il monte dans les altitudes des chercheurs.

« Ce qu’il trouvera… nous le saurons demain.

« Mais, n’est-ce pas que l’essor est prodigieux ! »


Cela est en effet prodigieux. C’était publié par la Dépêche algérienne le 1er avril 1903.

Quelques villes de province acceptent que leurs journaux, suivant la vieille et joyeuse coutume, servent à la date fatidique le poisson, et s’en amusent, qu’il soit ou non volant, avec ou sans essor. Un instant j’avais cru qu’Alger… Mais j’y étais. Je me suis renseigné. Je puis assurer que la Dépêche algérienne ne plaisante jamais. Elle a trop le respect de soi-même et de ses lecteurs. L’essor est donc sérieux…