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nonça la jeune fille. Vos bonnes vous cherchent peut-être. »

On devait commencer d’être inquiet, de l’autre côté du mur ; des voix s’élevaient dans le parc, appelant :

« Lilou ! Pompon ! »

Claire fit rentrer les enfants chez eux et leur commanda, lorsqu’ils eurent pris pied dans l’allée :

« Répondez, mais sans vous éloigner.

— Lilou ! Pompon ! où êtes-vous ! répétaient des voix alarmées, à l’accent étranger.

— J’es là, se hâta de crier Lilou.

— Venez vite, vite, vite ! M. le baron arrive. »

Et, apercevant les deux bambins toujours immobiles ;

« Dépéchez-vous. Où étiez-vous donc ? »

Claire intervint :

« Je les avais emmenés chez ma grand’mère, dont la maison est située tout à côté. Ils ont déjeûné, je vous en préviens. Adieu, mes petits. À présent que vous aurez votre papa, on ne vous laissera plus vagabonder, je pense ; je n’aurai pas à vous recueillir. »

La bonne écoutait, pas mal embarrassée. Elle crut devoir s’excuser, et expliqua :

« Ils ont si vite fait de nous échapper ! Le temps de tourner la tête, les voilà disparus. »

Claire sembla ne point écouter. Il ne lui convenait pas d’entrer en discussion à propos d’un fait qui ne la concernait en rien.

Lilou et Pompon avaient l’air de ne plus se souvenir qu’elle était là. Ils couraient à toutes jambes dans la direction du château ; pas une seule fois ils ne tournèrent la tête.

Leur grande amie l’ayant constaté, non sans dépit, laissa retomber les rameaux des sapins qu’elle avait écartés pour agrandir son horizon, et, toute songeuse, reprit le chemin de chez elle.

Étonné de ne point voir ses bébés accourir au-devant de lui, Hervé de Kosen avait tourné le château, et, d’un regard presqu’anxieux, explorait les allées y aboutissant.

Dans laquelle s’engager pour les rencontrer plus tôt ?

Il hésitait, mécontent. Les appels des bonnes étaient venus jusqu’à lui ; on ne s’était donc préoccupé de ses fils qu’au moment où il descendait de voiture ?…

Enfin des cris de joie, et ces mots : « papa ! papa ! où que t’es ? » effacèrent le pli qui déjà se creusait sur son front.

Il descendit à la rencontre des bambins, et, un banc se trouvant proche du lieu où ils se rejoignirent, il s’y assit et les attira sur ses genoux.

Ce ne fut d’abord qu’un échange de baisers sans fin entre le papa et ses petits garçons. Mais, sa soif de caresses apaisée pour un instant, Lilou, qui s’était imaginé voir revenir son père avec son uniforme, remarqua, déçu :

« T’es pas habillé en soldat.

— Si j’étais officier, comme ton oncle de Ludan, à la bonne heure ! Mais je n’ai aucun grade, moi, et l’uniforme qu’on m’avait donné à mon arrivée, je l’ai rendu avant de partir.

— T’as pas amené nounou ? » demanda Pompon.

Hervé serra plus tendrement encore les deux petits contre lui, pour leur apprendre :

« Nounou ne reviendra plus, mes chéris. Le bon Dieu l’a emmenée vers lui. Mais, se hâta-t-il d’ajouter, voyant les larmes prêtés à jaillir, je vous annonce des visites : Yucca, vous savez bien, Yucca, M. Murcy, mon ami qui est peintre, il sera ici dans deux jours avec « ma sœur Thérèse », leur petite Fernande…

— La princesse ! interrompit Lilou, battant des mains.

— La princesse, puisque tel est le nom qui prévaut, et son tout petit frère, un bébé qui ne marche pas.

— Nous le connaissons ?

— Non ; il est venu au monde depuis notre départ.

— Si y marche pas, observa Lilou, hochant