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JULES VERNE

crus en partie de yachtmen sur les tranquilles eaux du lac Lomond et du lac Katrine au pays de Rob Roy, en pleine Écosse.

M. Horatio Patterson n’avait point souffert dans le canal de Saint-Georges, et il en tirait les plus favorables augures pour l’avenir. À l’entendre, d’ailleurs, un homme bien constitué, prudent, énergique, n’avait rien à redouter du mal de mer.

« Ce n’est qu’une question de volonté, répétait-il, pas autre chose ! »

Ce fut dans ces bonnes dispositions de corps et d’âme que le Mentor et les lauréats arrivèrent au port de Queenstown. Très vraisemblablement, ils n’auraient pas le loisir de visiter cette ville, non plus que Cork, sa métropole.

Ou le comprend, tous ressentaient le plus violent désir d’être à bord de l’Alert, d’avoir mis le pied sur ce bâtiment frété pour eux, autant dire un yacht de plaisance, — de prendre possession de leur cabine, de se promener du gaillard d’avant au gaillard d’arrière, d’entrer en rapport avec le capitaine Paxton et son équipage, de faire leur premier repas à la table du carré, d’assister à toutes les manœuvres d’un appareillage, auquel ils entendaient prêter la main, pour peu que cela fut nécessaire.

Il ne fut donc pas question de déambuler par les rues de Queenstown, et, si l’Alert eut été mouillé dans le port, M. Patterson et ses jeunes compagnons s’y fussent immédiatement embarqués. Or, il était tard, près de neuf heures du soir Le lendemain, on se rendrait à l’anse Farmar.

Ce fut là une légère déception, car tous espéraient bien passer cette première nuit à bord, blottis dans leurs cadres superposés « comme les tiroirs d’une commode », disait Tony Renault, et quelle satisfaction de dormir au fond de ces tiroirs !

Mais il fallait remettre l’embarquement au matin. Cependant, dès le soir même, Louis Clodion et John Howard prirent heure avec un marin du port, qui promit de les mener dans son canot au mouillage de l’Alert. Sur les demandes qui lui furent posées, il indiqua la situation de l’anse Farmar à l’entrée de la baie, distante d’environ deux milles. Si même ils l’eussent voulu, cet homme les y aurait conduits dès leur arrivée, et les plus impatients se montrèrent d’avis d’accepter la proposition. Une promenade nocturne à travers la baie, par ce temps chaud et calme, cela ne pouvait être que très agréable.

M. Patterson ne crut pas devoir y consentir. On ne serait pas en retard en se présentant le lendemain au capitaine Paxton, puisque le départ avait été fixé au 30 juin. Très certainement, les lauréats n’étaient point attendus avant cette date. Puis la soirée s’avançait… Dix heures sonnaient aux horloges de Queenstown… Nul doute que le capitaine Paxton et son équipage ne fussent couchés déjà… À quoi bon les réveiller ?…

« Eh ! s’écria Tony Renault, si nous étions à bord, peut-être l’Alert lèverait-il l’ancre cette nuit même ?…

— N’en croyez rien, mon jeune monsieur, déclara le marin. Il est impossible d’appareiller, et qui sait si ces calmes ne dureront pas quelques jours encore !…

— Vous pensez, monsieur l’homme de mer ?… demanda M. Patterson.

— C’est à craindre…

— Eh bien, dans ce cas, reprit M. Patterson, mieux vaudrait peut-être nous installer dans un hôtel de Cork ou de Queenstown en attendant un vent favorable pour gonfler nos voiles…

— Oh ! monsieur Patterson… monsieur Patterson ! … s’écrièrent Magnus Anders et quelques autres, ne pouvant réprimer un mouvement de dépit.

— Cependant… mes amis… »

On discuta, et le résultat de la discussion fut que l’on irait à l’hôtel pour la nuit, et que