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MONOGRAPHIES VÉGÉTALES[1]

LES PLANTES CÉLÈBRES OU LÉGENDAIRES

Et maintenant que sont finies nos petites histoires, entamons notre série et pénétrons dans la galerie des célébrités.

Voici le cyprès.

Le Cyprès, Cupressus (famille des conifères). Le mot de cyprès vient de Cyparisse, nom mythologique d’un jeune Grec changé en cyprès par Apollon, qui, ce jour-là, sans doute, était de fort méchante humeur. La physionomie caractéristique de cet arbre a frappé l’imagination des peuples dès les âges les plus reculés. Les Grecs l’avaient consacré aux dieux funéraires. À Rome, comme en Grèce, l’on en construisait les cercueils, en même temps que l’on en alimentait les bûchers, afin que fût plus rapide la combustion des cadavres. De notre temps encore, ce sont des cyprès que l’on plante dans la plupart des cimetières.

Ce n’est pas seulement à l’aspect lugubre de son feuillage, d’un vert noirâtre, que cet arbre doit d’avoir été choisi comme arbre funéraire. Sa forme particulière avait été considérée comme symbolique, en ce sens que les âmes étaient censées s’élancer vers le ciel, ainsi que le fait sa tige pyramidale. Il y avait plus : cet arbre, dont la longévité est prodigieuse, aussi bien que son incorruptibilité, fournissait à l’esprit, toujours symboliquement, l’image d’une éternité relative.

L’histoire mentionne nombre de cyprès énormes dont le grand âge, naturellement, se proportionne à leurs dimensions démesurées. L’on montrait à Rome, dans le jardin des Chartreux, situé sur l’emplacement des anciens thermes de Dioclétien, trois cyprès d’environ quatre mètres de circonférence, qui avaient été plantés par Michel-Ange trois cents ans auparavant. Il y a près de Milan un de ces arbres dont le tronc mesure six mètres de tour. L’on cite également un cyprès planté à Chiraz, en Perse, par le poète Haafiz, et qui, conséquemment, doit avoir plus de cinq cents ans.

Après la longévité, voici pour l’incorruptibilité. Certains historiens nous racontent que le navire de Trajan, construit en bois de cyprès, et qu’on retira du lac de Ricia, au fond duquel il était resté plus de treize cents ans, avait encore ses planches intactes. Les portes du temple de Diane, à Ephèse, étaient en cyprès, et, au temps de Pline, il y avait déjà plus de quatre cents ans qu’elles existaient. Ce dernier auteur mentionne une statue en cyprès, sculptée depuis six cent soixante ans et que l’on trouva dans le Capitole en parfait état de conservation.

C’est surtout au Mexique que les cyprès atteignent des dimensions étonnantes. Don Ramyre cite un de ces arbres, planté dans le cimetière de Santa-Maria de Tesla, qui a trente-neuf mètres de circonférence. Cette grosseur paradoxale, étant donnée la lenteur de la croissance de ces conifères, suppose une durée de cinq ou six mille ans. Ce cyprès phénoménal est révéré par les Mexicains, et ils racontent que, lorsque Fernand Cortez envahit leur pays, il put abriter sous son feuillage toute sa petite armée.

Le Thuya, autre conifère, tire son nom de celui d’un arbre odoriférant employé par les Grecs dans les sacrifices. Le thuya est remarquable à divers égards. Le premier de ces

  1. Voir les nos 137 et suivants.